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Le baptême du Christ

14 janvier 2021 - Prédications

Prédication du 10 janvier 2021, culte à Vernon (Chantal Crêtaz)

Ecritures lues

  • 1 Jn, 5, 1-9
  • Ps 107 chanté
  • Mc 1, 1-11

1 Jean 5, 1-9

1 Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ; et quiconque aime celui qui a engendré aime celui qui est né de lui.
2 Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu à ce que nous aimons Dieu et que nous pratiquons ses commandements.
3 Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements.
4 Et ses commandements ne sont pas pesants, puisque tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et telle est la victoire qui a triomphé du monde : notre foi.
5 Quel est le vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
6 C’est lui qui est venu par eau et par sang : Jésus-Christ, non avec l’eau seulement mais avec l’eau et avec le sang. Et c’est l’Esprit qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la Vérité.
7 Il y en a ainsi trois à témoigner
8 l’Esprit, l’eau, le sang, et ces trois tendent au même but.
9 Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand. Car c’est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils.
10 Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Celui qui ne croit pas en Dieu fait de lui un menteur, puisqu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son fils.
11 Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle et que cette vie est dans son Fils.
12 Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils, n’a pas la vie.
13 Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle.

Marc 1, 1-11

1 Commencement de la bonne nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu.
2 Ainsi qu’il est écrit dans Esaïe, le prophète : voici j’envoie mon messager devant ta face, lequel apprêtera ton chemin ;
3 Voix déclamant dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites droits ses sentiers.
4 Jean advint dans le désert baptisant et proclamant un baptême de repentance pour le pardon des péchés.
5 Et sortait vers lui toute la région judéenne et tous les habitants de Jérusalem et ils étaient baptisés par lui dans le fleuve Jourdain, en confessant leurs péchés.
6 Et Jean était revêtu de poils de chameau et d’une ceinture en cuir autour du rein et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. (agrion)
7 Et il proclamait en disant : «  Il vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, et dont je ne suis pas digne m’étant penché de délier la lanière de ses sandales.
8 Moi, je vous ai baptisés en eau, et lui il vous baptisera en Esprit Saint ».
9 Et il advint en ces jours-là, que Jésus vint de Nazareth, de la Galilée et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean.
10 Et aussitôt montant hors de l’eau, il vit se fendre les cieux, et l’Esprit comme une colombe descendant vers lui ;
11 et une voix advint venant des cieux : « Toi, tu es mon fils (le Fils de moi), le bien-aimé, en toi j’ai pris plaisir ».

Prédication

– « Commencement de la Bonne nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu »

Ainsi débute le 2e Evangile.

Marc a cet art de la concision du récit tel, qu’il excelle à dire en un minimum de mots le maximum de choses importantes. Sept mots suffisent pour annoncer l’évènement qui le fait prendre la plume. Nous dire qui est le Sauveur, le Messie, l’ Engendré de Dieu. Toute la théologie chrétienne, ou presque, en 4 mots.

Puisque Marc démarre par le mot « commencement », on s’attend à une présentation de ce Sauveur, Messie, Engendré de Dieu, soit Jésus Christ fils de Dieu. Pas du tout, c’est un commencement qui part en amont dans le temps et nous faire comprendre ce qu’est LA Bonne Nouvelle dont il va être question.

Ce commencement prend place dans l’histoire du Peuple d’Israël.

Marc écrit : « Ainsi qu’il est écrit dans Isaïe, le prophète : ’Voici, j’envoie mon messager devant ta face, lequel apprêtera ton chemin’. » Cette phrase est du prophète Malachie (5e BC) dans un oracle de retour d’exil. Ml 3,1 : Voici que je fais envoyer mon messager pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici qui vient ».

Ce qui est du prophète Isaïe, le Deutéro Isaïe qui écrit pendant la dernière partie de l’exil babylonien au 6e BC, est le v 3 qui suit la citation de Malachie : « Une Voix clame dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites droits ses sentiers »

«  Une Voix crie : Dans le désert, frayez le chemin du Seigneur ; dans la steppe, aplanissez un chemin pour notre Dieu » Is 40, 3

Que ce soit Isaïe ou Malachie, ces 2 prophètes évoquent le prophète Elie. Marc relit les Ecritures en utilisant ce « messager » pour désigner celui qui est la figure du nouvel Elie, le Baptiste.

Ce que je retiens, c’est que  « la Bonne nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu » vient de plusieurs siècles d’attente dans l’histoire du peuple et que l’Evangile de Marc prend place, justement, au moment où « Le temps s’accomplit », cad le véritable « commencement » d’un temps nouveau.

Ce messager, C’est Jean qui, nous dit le texte, « advint dans le désert baptisant et proclamant un baptême de repentance pour le pardon des péchés ». Ce n’est pas lui qui est attendu. Il apparaît pour préparer la venue du Seigneur tel que le rapportait et le rapporte à l’impératif présent le prophète Isaïe.

Attendre le Messie, attendre le Seigneur, qui est proche, on comprend qu’il faille reconnaître ce qu’on n’a pas suivi de ses commandements, de sa loi, reconnaître les grâces données par lui depuis tous ces siècles aux pères de nos pères et en héritage à nous-mêmes. Recevoir ce pardon que Dieu offre à celui qui lui demande. Alors oui ! demander le pardon de Dieu. C’est ce qu’annonce ce messager de Dieu.

Mais quel étrange personnage que cet homme du nom de Jean, qui veut dire « Dieu fait grâce ». Il va dans le désert pour annoncer l’imminence de la venue du Seigneur, et où il baptise !!!

Deux paradoxes :

1. Quel paradoxe ! Jean est une voix dans le désert !

On ne peut pas dire que le désert soit un lieu où il y ait foule pour annoncer une chose importante. Quand on a la certitude de ne pas être entendus ne dit-on pas « c’est comme prêcher dans le désert ! » ? Proclamer une nouvelle, et qui plus est une bonne nouvelle, dans le désert, c’est tout de même la meilleure façon pour que personne ne vous entende ! et pourtant il attire la foule. Toute la région de Judée et tout Jérusalem et des régions environnantes.

Pourquoi le désert ? De même que les citations de Malachie et d’Isaïe nous rendaient présente l’histoire ancienne d’Israël, de même le désert dans les Ecritures, ramène au temps de l’Exode. Dans le désert s’inscrivent même les grandes étapes de l’histoire d’Israël. Que l’on pense à la rencontre de Moïse avec YHWH au Buisson ardent, que l’on pense à cette traversée du peuple conduit par le même Moïse, pendant 40 ans rythmés par les épreuves de la faim, de la soif, de la défiance à Dieu, la trahison de la foi avec le veau d’or, le don de la Loi ; que l’on pense au désert du Negev traversé par le prophète Elie qui fuit la fureur de Jezabel vers l’Horeb pour rencontrer Dieu. Le Psaume 107, dont nous chantions un extrait tout à l’heure, décrit avec réalisme les épreuves de l’errance au désert, parmi lesquelles les mirages et la nostalgie, la tentation sous toutes ses formes. Les auditeurs de Jean, les lecteurs de Marc comprennent combien ce mot désert fait mémoire de l’histoire de Dieu avec son peuple. Il évoque un lieu d’épreuve, de solitude, d’abandon, un lieu du combat spirituel pour se convertir, comme y invite le prophète Osée (Os 2, 16) ; « un lieu du provisoire à travers lequel on pérégrine sous la promesse d’une autre terre ».

2. Autre paradoxe ! Pour baptiser, cela suppose de l’eau. Du désert à l’eau, l’espace de la conversion. Jean proclame un baptême d’eau pour la repentance et le pardon des péchés. La conversion pour le pardon, à laquelle Jean le Baptiste invite la foule, est un appel pressant à un changement radical de vie. Il y a urgence. Une urgence dans l’attente. Car ce baptême d’eau vive est une étape en attendant « celui qui vient ». Il s’agit donc de se mettre en état d’attente intérieure par un retournement du cœur par la délivrance des péchés avoués et emportés dans l’eau.

Jean ne baptise pas dans des bassins d’ablutions rituelles mais dans un fleuve. c’est-à-dire une eau vive, une eau vivante qui mène vers la mer, vers un large, un plus large que ce que l’on voit ou pressent.

Ce n’est pas n’importe quel fleuve. Marc précise « le fleuve Jourdain ». Une fois encore dans ce bref texte, l’Evangéliste, par un seul mot, convoque l’histoire passée, toute présente à ce temps d’accomplissement annoncé depuis des siècles.

Que s’est-il passé autrefois dans ce fleuve ? De même qu’il avait ouvert un passage en fendant les eaux de la mer, YHWH ouvre les eaux du Jourdain pour que le peuple, avec l’arche d’alliance en tête, traverse à pieds secs et entre en terre promise, enfin. Cela est raconté dans le livre de Josué (Jos 3, 11 sq).

C’est là que Jean baptise.

. Avant d’en venir à ce qu’il clame, et qui va retenir notre attention, complétons la présentation du personnage par Marc. Nous avons en tête d’innombrables représentations de ce personnage dans une tenue extravagante qui a tout pour repousser le plus convaincu des pénitents ! Marc nous décrit sa tenue et son mode d’alimentation.

« Jean était revêtu de poils de chameau et d’une ceinture de cuir autour de ses reins ». Cette tenue d’anachorète radical le signale de loin. Et le moins qu’on en puisse dire, c’est que les convenances sociales vestimentaires ont fondu au soleil du désert. Avec les précisions sur sa tenue exceptionnelle, le même verset nous renseigne sur sa nourriture, «  il mangeait des sauterelles et du miel sauvage » ! On a beau nous prédire que ces insectes sont l’avenir de la gastronomie mondialisée et un concentré de protéines, on a du mal à projeter notre imaginaire dans de telles délicatesses ! Jean les agrémente de miel, avec une précision cependant : c’est du miel sauvage [agreste (agrion)]. Il s’agirait d’une sorte d’exsudation que produisent certains arbustes ; ce qui rappelle la manne reçue au Sinaï ! Bien sûr, ces détails qui font choc ne sont pas là juste pour faire décor. Jean a renoncé volontairement aux codes sociaux du vêtement. Ce qu’il porte indique une certaine nudité et plus, une certaine vulnérabilité. Il est certain qu’il ne se révèle pas dans une puissance que pourrait lui conférer la richesse de beaux habits. Jean est dans le dénuement, se vêt et se nourrit de ce qu’il trouve dans le désert. Mais surtout ! Il porte le même vêtement que portait le prophète Elie, tel q’il est décrit dans 2R 1, 8. Le revoilà Elie ! C’est-à-dire, que l’allusion à la manne du désert et la même tenue qu’Elie confèrent à Jean la légitimité du prophète de YHWH. Et c’est pourquoi, on se déplace jusque là pour l’écouter et qu’on lui demande le baptême en confessant ses péchés : Jean est envoyé de Dieu.

. Qui annonce t-il ? Que proclame t-il ?

« Il vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, et dont je ne suis pas digne, m’étant penché, de délier la lanière de ses sandales » v.7-8. Jean ne donne pas encore de nom à celui qui vient après lui et qui, lui, « baptisera en Esprit saint ». L’attente messianique était si ardente que les foules pouvaient entendre et l’urgence et l’appel à vivre sa foi en vérité.

« Cette voix qui clame dans le désert », annonce la venue de Celui qui est attendu, le Messie, le Seigneur. « Préparez le chemin du Seigneur ; faites droits ses sentiers. » Jean se présente dans une totale humilité. De signaler qu’en raison de la majesté de « celui qui vient » il ne peut même pas faire le geste de tout serviteur, « délier les sandales ». Il évoque ainsi la situation de Moïse au Buisson ardent à qui YHWH demande de délier ses sandales pour le rencontrer et recevoir sa mission. « Celui qui vient » et qu’il annonce n’est autre que le Seigneur Dieu.

Jean le Baptiste incarne la figure de proue de l’accomplissement des Ecritures, QUE, « Celui qui vient » le Christ, le Messie attendu, depuis si longtemps espéré, va réaliser. Jean, prophète, est sur le seuil de l’histoire. Il est même l’homme du seuil entre l’Ancien et le Nouveau Testament : Venu du désert, il porte l’histoire du peuple jusqu’à cette frontière de la Terre promise qu’est le Jourdain, que n’a pas traversé Moïse.

. Venue de Jésus

v. 9 « Et il advint en ces jours-là, que Jésus vint de Nazareth, de la Galilée et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean. »

Marc révèle l’identité de Celui que Jean attend et annonce. Il s’appelle Jésus, qui veut dire « Dieu sauve ». Il vient du Nord, de la Galilée, d’une ville, Nazareth. Comme tout un chacun, il vient dans le Jourdain pour recevoir le baptême de Jean. Jésus avait-il besoin de se convertir ? Avait-il besoin de confesser ses péchés et recevoir le pardon ? Quelle raison préside à ce baptême, donc ?

Jésus rejoint le peuple, il intègre l’histoire de tout Israël en ce point de « commencement », comme Marc l’a indiqué par petites touches en ces 9 versets. Jésus fait sienne cette Histoire, la récapitule.

Ce n’est pas une nouvelle histoire que Jésus commence. Il accomplit ce qui était annoncé depuis toujours. Il devient devant tous ce pour quoi il est venu en ce monde, le sauveur :

« Et aussitôt montant hors de l’eau, Il vit se fendre les cieux et l’Esprit comme une colombe descendre vers lui »

Ces deux mouvements de montée de Jésus et de descente vers lui de l’Esprit sont possibles par les cieux qui se fendent comme s’étaient fendues les eaux du Jourdain, de la mer. Il s’agit d’une naissance.

Ce n’est plus une voix qui clame dans le désert mais celle de Dieu accompagnant l’Esprit saint : « Toi, tu es mon fils, le bien-aimé, en toi je me suis complu »

En cet instant, Jésus reçoit sa filiation et son nom, il est Fils de Dieu, il est le Bien-aimé. Ainsi, il révèle que Dieu aime et qu’il est Père qui engendre son fils, par l’Esprit. Il révèle la Trinité.

« Commencement de la Bonne nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu » Ainsi la vie de ce Fils de Dieu inaugure le temps de l’accomplissement des Ecritures en commençant sa mission, alors que s’achève celle de Jean, le baptiseur.

. Nous qui sommes réunis ici et qui proclamons notre foi en Jésus Christ, mort et ressuscité, nous sommes à notre tour par notre baptême entrés dans cette filiation de Fils de Dieu. « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » écrit Jean dans son évangile. Jn 1, 12.

A Paul aux Galates, le dernier mot :

« Frères, en Jésus Christ, vous êtes tous Fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a uni au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif, ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ». Gal 3, 26-28.

En mesurons-nous l’engagement du témoignage pour notre vie et celle de nos prochains ?

« Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle et que cette vie est dans son Fils.

Qui a le Fils a la vie ; qui n’a pas le Fils, n’a pas la vie.

Je vous ai écrit ces choses, à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle. » 1 Jn 5, 11-13

Chantal CRÊTAZ
10 janvier 2021

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